mercredi 22 janvier 2014

Le mot et la chose dans la traduction

 

La traduction est un art. Je commence à m’en rendre compte à la rencontre de certains mots dans la recherche documentaire que j’effectue quotidiennement pour étayer mon dossier “Economie de la défense”.

                                                                       Certains droits réservés par Jeffrey Beall

J’ai mis au centre de ma recherche la notion de “capacités” car je reste convaincu qu’au delà des considérations géopolitiques, des alliances ou des rivalités entre pays qui animent le marché de la défense, c’est bien des capacités qui sont visées lors de l’achat d’ articles de défense pour une seule raison : établir une dissuasion face à un adversaire qu’on juge dangereux pour sa souveraineté. C’est aussi une question d’ambitions pour le pays qui souhaite se doter d’armements adaptés à ses ambitions. Par exemple, vous ne pouvez pas jouer dans la cour des grands si vous ne disposez pas d’une force de projection… Et pour se projeter, cela ne se fait pas avec les mots mais avec les moyens et c’est là où intervient le concept de capacité. Les mots ont un sens lorsque vous êtes capable de joindre l’action à la parole.

En revenant sur notre sujet, je dois dire que si on demande à plusieurs personnes de donner l’équivalent en langue anglaise du mot “capacité”, une large majorité diront “capacity” et certains s’aventuront dans la collecte documentaire à faire des recherches Google avec les termes “defense capacities” pour de la documentation en langue anglaise, terme de recherche qui renvoie à “capacités de défense”. D’entrée de jeu, je dois vous dire que vous auriez tout faux car le terme approprié pour “capacités de défense” est bien “defense capabilities”.

Pour être plus précis, le terme “capacité” semble avoir deux équivalents en langue anglaise : “capacity” et “capability”. Ces termes peuvent paraitre synonymes car dans le Concise Oxford English Dictionary (11th ed.),  on trouve bien :

- “capacity : the ability or power to do something”. Bien que ce terme a d’autres significations comme “a person’s legal competence”, “the maximum amount that something can contain or produce”, “a specified role or position”.

- “capability : power or ability to do something”. Et encore “an undeveloped or unused faculty”.

On le voit, les deux termes sont proches dans la définition mais Wikipedia fait la nuance en retenant la définition de “capacity” du Concise Oxford English Dictionary et en présentant une définition différente de “capability” bien que ce soit une définition reprise du International Foundation for Information Technology:

A Capability is the ability to perform or achieve certain actions or outcomes through a set of controllable and measurable faculties, features, functions, processes, or services. As it applies to human capital, capability represents the intersection of capacity and ability.

On voit bien que le terme “ability” est central dans cette définition. Voyons comment notre Concise Oxford English Dictionary  définit “ability” :

“ability : possession of the means or skill to do something; skill or talent”

Comme on peut le voir, cela renvoie toujours à la capacité d’engager une action à travers un ensemble de facteurs contrôlables et mesurables. J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet avec la présentation de la conception américaine, britannique et australienne du concept de capabilities”.

J’envisageai juste présenter de petites subtilités de langue ou de traduction qui peuvent fausser ou limiter une recherche documentaire. C’est un retour d’expérience et il est essentiellement axé sur le concept de capacité dans la mesure où c’est le terme principal de mon approche. Cela appelle à la vigilance car de pareilles situations se présenteront pour d’autres chercheurs engagés dans la recherche documentaire en langue anglaise ou dans d’autres langues… Si vous n’avez pas les moyens de vous offrir un spécialiste pour vous “coacher” ou le temps d’éplucher les dictionnaires, thésaurus, taxonomies et autres, soyez au moins minutieux et vigilant, ces nuances ne vous échapperont pas bien que cela ne soit pas facile…

Pour finir cet article en vous présentant cette subtilité, avez vous remarqué que le terme “défense” en langue française a deux équivalents “langue anglaise”? Ainsi :

- dans les sites que je qualifies (abusivement peut-être) d’américains, nous avons la syntaxe “defense”, avec un s.

- dans les sites britanniques, c’est plutôt “defence”, avec un c.

C’est clair qu’à la recherche Google, l’emploi de l’un ou l’autre ne vous emmènera pas au même endroit.

mercredi 15 janvier 2014

L’incroyable architecture industrielle du F-35

 

On a certainement beaucoup à apprendre de la mobilisation industrielle nécessaire pour produire un avion de combat nouvelle génération comme le F-35 de Lockheed Martin…

Source cc : http://www.flickr.com/photos/ddyates/3472515814/sizes/m/in/photostream/

Tenez, Michael Bame de l’excellent plateforme about.com qui y traite des questions de défense en donne un aperçu. Un F-35 contient :

- 20 000 composantes,

- 280 000 pièces,

- 8 millions de lignes de code logiciel,

- des dizaines de milliers de personnes impliquées dans la construction de l’avion.

En terme de management, d’organisation et de coordination, c’est une véritable prouesse. Elle inclut des milliers d’entreprises qui travaillent ensemble pour le même but. Il est important, compte tenu que c’est une pratique qu’on pourrait qualifier de “banale” pour les industries de défense, de considérer les acquis de cette pratique pour envisager d’en concevoir pour d’autres secteurs.

On pourrait abusivement rapprocher cette pratique de la logique des pôles de compétitivité pratiquée en France bien que les pôles visent plus un ancrage territorial et donc un rapprochement basé sur la proximité géographique et non un rapprochement basé sur l’objectif à atteindre.

Si vous voulez en savoir plus mais de façon sommaire sur le F-35, notamment sur ses capacités et ses armes à l’emport, ses spécifications ainsi que la production et les exportations, on pourra toujours consulter le blog de Michael Bame. On note également comme principaux acheteurs internationaux la Grande-Bretagne (138), l’Italie (131), la Turquie (100), l’Australie (100), les Pays-Bas (85) et le Canada (65).

On remarquera que les principaux acheteurs sont des pays et surtout, que ces achats recoupent une géopolitique des alliances avec en ligne de mire l’OTAN qui peut être une plateforme de facilitation pour les exportations de défense.

lundi 13 janvier 2014

L’offset dans les ventes internationales d’armes

 

A l’heure où les budgets de défense subissent une contraction tendancielle suite à la récente crise financière, les entreprises de défense sont engagées dans une bataille âpre pour l’obtention des contrats. Et dans cette bataille, un outil qui jusqu’alors intervenait traditionnellement dans la négociation avant signature des contrats, prendra une importance considérable pour les années à venir. Il s’agit d’ “offsets”, qui est un outil de marketing  pour les ventes internationales d’armes.

        Community History SA

 

Les offsets sont des pratiques de compensations industrielles que les gouvernements acheteurs requièrent des entreprises de défense comme condition pour l’achat de produits ou services de défense. Cette compensation industrielle peut se traduire par une co-production, une production sous licence, une production avec sous-traitance, un transfert technologique ou un investissement extérieur.

On distingue un agrément d’offset d’une transaction d’offset.

L’agrément d’offset inclut un offset conclu par une entreprise de défense dans le but d’obtenir un contrat de vente d’armes à l’export. Cet agrément est généralement inclus dans le contrat et spécifie par exemple le pourcentage du montant du contrat alloué à l’offset, la forme retenue des compensations industrielles, la durée de l’agrément d’offset.

Une transaction d’offset est toute activité d’une entreprise de défense faite dans le but de remplir les obligations nées de l’agrément d’offset. Une transaction d’offset peut être directe, indirecte ou les deux.

Une transaction d’offset directe est celle où les produits ou services objet de la transaction sont liés aux produits ou services du contrat de vente. Inversement, une transaction d’offset indirecte implique des produits ou services non liés à ce qui doit être exporté dans le cadre du contrat.

Le Bureau of Industry and Security (BIS) du département américain du Commerce qui administre les questions d’offsets classe les transactions d’offsets dans neuf (9) catégories :

- la co-production : class” comme une transaction directe, ce sont des transactions basées sur des agréments entre gouvernements et autorisant un transfert de technologie pour permettre à une entreprise étrangère de fabriquer tout ou partie de l’article de défense d’une entreprise nationale de défense.

- une assistance sous forme de crédit : Classée traditionnellement en transaction indirecte, elle peut prendre la forme de prêts directs, de prêts négociables, de prêts garantis, d’assistance pour obtenir des conditions favorables dans les termes de paiement, d’extension de crédit ou de bas taux d’intérêt.

- un investissement : cela peut être la mise à disposition de capitaux pour l’établissement d’une entreprise étrangère non lié à la vente d’armes ou l’extension d’une filiale d’une entreprise nationale ou d’une joint-venture dans le pays étranger. Un investissement peut être une transaction directe ou indirecte.

- une production sous licence : c’est une production à l’étranger d’un article de défense, basé sur un transfert d’informations techniques sous arrangements commerciaux directs entre l’entreprise nationale de défense et le gouvernement ou l’entreprise étrangère. La production sous licence concerne une composante ou une partie de l’article de défense et non tout l’article. C’est cela qui marque la différence avec la co-production. Cette transaction peut être directe ou indirecte.

- les achats : transaction indirecte, elle prend la forme d’achats de produits ou services du bénéficiaire de l’offset.

- la sous-traitance : c’est aussi la production à l’étranger d’une composante ou une partie d’un article de défense, mais il n’induit pas nécessairement un transfert d’informations techniques ou des arrangements commerciaux directs entre l’entreprise nationale de défense (prime contractor) et le gouvernement ou l’entreprise étrangère.

- le transfert technologique : cette transaction peut prendre la forme d’une recherche et développement (R&D) conduite dans le pays étranger, une assistance technique fournie par une filiale ou une joint-venture née d’un investissement étranger ou de toutes autres activités nées des arrangements commerciaux directs entre l’entreprise nationale (prime contractor) et l’entité étrangère (gouvernement ou entreprise).

- la formation : relative à la production ou la maintenance de l’item de défense exporté. Transaction pouvant être à la fois directe ou indirecte, elle peut être intervenir dans des domaines variés et non liés au contrat comme le renforcement de capacités en ingénierie, en langues étrangères et en informatique.

- les autres : toutes les autres transactions qui ne rentrent pas dans les catégories précédentes.

Ces pratiques sont fort importantes si on s’en tient au dernier rapport du BIS qui compte pour 2011 cinquante neuf (59) nouveaux agréments d’offset avec 27 pays évalués à 5,48 milliards de dollars…Pour la même année 2011, les entreprises US de défense reportent 745 transactions d’offset avec 31 pays avec une valeur actuelle de 4,01 milliards de dollars.

Il faut rappeler que ces offsets sont étroitement surveillés par les Etats des entreprises de défense dans la mesure où, bien que bénéfiques pour les entreprises et la balance commerciale du pays, ils peuvent compromettre la base industrielle de défense du pays fournisseur.

Pour finir, je mets à votre disposition les sources maladroitement traduites pour écrire cet article :

- Définitions de termes utilisés dans ce thème,

- Plus de détails sur les contours de cette pratique,

- Pour lire le dernier rapport produit par le Bureau of Industry and Security (BIS) du département américain du Commerce qui administre les questions d’offsets.

samedi 4 janvier 2014

Suivez l’actualité de l’économie de la défense

 

Pour suivre l’actualité de l’économie de la défense, vous pouvez toujours visiter ma page sur Scoop : http://www.scoop.it/t/economie-de-la-defense

J’ai voulu dédier intégralement l’analyse au blog et l’actualité à Scoop.it qui est un excellent outil pour la curation.

Néanmoins, à la fin de chaque semaine, le plus souvent le Samedi, je mettrais à la disposition des lecteurs du blog un résumé hebdomadaire de l’actualité.

Vous pouvez aussi accéder à cette actualité par :

- Facebook : https://www.facebook.com/economiedeladefense

- Twitter : https://twitter.com/epegase

Merci de rester connecté à ce blog et surtout abonnez vous à la newsletter de ce blog.

vendredi 3 janvier 2014

Ca chauffe dans les blogs de défense…à propos de théorie des drones

 

Et oui, ça chauffe dans les blogs de défense, à propos de la publication d’un livre de Grégoire Chamayou, Théorie du drone, Paris, La Fabrique, 2013, 363 p. Et oui, 363 pages pour la “théorie” des drones. Et vous connaissez le principe de recensions dans les blogs : ça tire ici, ça reprend là bas, ça temporise à côté, ça enflamme devant… Chacun a son mot à dire et vous ne savez pas qui a lu le livre et qui ne l’a pas lu.

Dans tous les cas, chacun peut avoir ses sources… Il y’en a des tas sur le Net, Google est là pour ça. Je n’ai pas lu le livre mais j’ai sélectionné trois sources qui ont lu le livre :

- Michel Volle qui a publié une recension du livre,

- Le Magazine DSI (Défense et Sécurité Internationale) qui en a fait aussi une recension, et en est revenu à l’occasion de l’interview de l’auteur dans un magazine,

- et une recension de Jean-Baptiste JEANGÈNE VILMER pour le site la Vie des Idées, qui enseigne l’éthique et le droit de la guerre à des élèves officiers à Saint-Cyr.

vendredi 6 décembre 2013

Quel cadre d’analyse pour l’économie de la défense ? (1)

 

J’ai relevé dans le précédent billet l’importance du cadre d’analyse. D’ailleurs, l’enjeu du blog était de concevoir un cadre d’analyse qui, tout en ayant un fort pouvoir explicatif, soit doté d’une réelle valeur pédagogique. J’estime que l’approche méthodologique retenue par le champ actuel obscurcit plus qu’il n’édifie. A quoi cela sert-il d’établir des liens de causalité entre le développement et les dépenses militaires? Il est fort surprenant qu’un secteur qui draine autant de fonds publics et de milliards de dollars soit si inaccessible au commun des mortels, qu’on ait si difficilement une vue d’ensemble du secteur de la défense, une représentation simplifiée. C’est un débat que nous aborderons dans les prochains billets. Revenons à notre sujet de cadre d’analyse.

J’ai lu récemment deux travaux publiés par la RAND, l’un des meilleurs thinks tanks pour les questions de défense et de sécurité.

- Assessing Capabilities and Risks in Air Force Programming : Framework, Metrics, and Methods par Don Snyder, Patrick Mills, Adam C. Resnick, Brent D. Fulton.

- Sustaining the U.S. Air Force Nuclear Mission par Don Snyder, Sarah A. Nowak, Mahyar A. Amouzegar, Julie Kim, Richard Mesic.

Dans un contexte de réduction des budgets de défense, ces deux rapports abordent dans deux contextes différents la question de l’allocation efficiente des fonds afin de maintenir et de renforcer les capacités militaires, des capacités nécessaires pour remplir les missions assignées à la défense. J’aurai l’occasion de revenir sur ces travaux lorsqu’on abordera la question des capacités militaires.

Alors, pourquoi mentionner ces deux travaux?

mardi 26 novembre 2013

L’importance du cadre d’analyse…

 

En parcourant le web comme à l’accoutumée pour la collecte de documents, je suis tombé sur un document PDF qui ressemblait plus à une présentation POWERPOINT dont l’édition s’est faite en PDF. Ce document est le fruit des réflexions de Jean-Vincent Brisset. Je me demande qui ça peut bien être et le site de l’IRIS m’apporte la réponse :

Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne (e.r.), est ingénieur de l'École de l'air, breveté pilote de chasse et diplômé de l'École supérieure de guerre aérienne. Il a occupé la fonction d'attaché de l'air près l'Ambassade de France à Pékin et a été auditeur du Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie modernes. Il est directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste des questions de défense et relations internationales et du monde chinois.”

Et je trouve cela au détour de la présentation d’un ouvrage intitulé “Manuel de l’outil militaire” dont il est l’auteur. Je suppose donc que ce document PDF court de 25 pages devrait être la matière première de cet ouvrage ou un outil de promotion.