vendredi 15 novembre 2013

Introduction à l’économie de la défense

 

Les dépenses militaires mondiales en 2012 sont estimées à 1 756 milliards USD, soit 2,5% du produit intérieur brut (PIB) mondial ou 249 USD par personne dans le monde.Néanmoins, le total est plus élevé que pour n’importe quelle année entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 2010.” (source : SIPRI Yearbook 2013: Armaments, Disarmament and International Security , Résumé en Français, www.sipriyearbook.org).

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Comme on peut le constater, les dépenses militaires font de la résistance malgré la crise qui frappe l’économie mondiale.

De tels montants frappent des esprits et font ressortir le fond humaniste de plus d’un qui affirme qu’il faudrait mieux réallouer cette somme à la réduction de la pauvreté qu’à s’équiper et entretenir un appareil de défense qui “n’apporte” rien au Monde, sinon des guerres, des morts et la désolation.

Malheureusement, comme l’affirme Tilman Brück à l’introduction du SIPRI YearBook 2013 :

L’utilisation de la force physique compte hélas parmi les principales caractéristiques de l’histoire du comportement humain.”

et d’ajouter à la suite :

“Vu la persistance et l’ampleur de l’usage intentionnel de la force, ou de la violence, dans les interactions humaines, les comportements de groupe et les actions de l’État, le degré de compréhension de ce sujet reste étonnamment faible.”

Notre ambition dans ce blog n’est pas d’opérer une approche strictement comptable de la Défense en relayant les chiffres mais de saisir les dynamiques à l’œuvre au delà de ces chiffres. Il s’agira d’observer et d’expliquer.

1. Observer

Observation defines its objects by how it studies them. Choosing how to observe in some cases dictates what is observed

Histories of Scientific Observation, edited by Lorraine Daston and Elizabeth LunbeckThe University of Chicago Press, 2011.

La méthode scientifique se déroule en trois étapes : observer un phénomène de la nature et à partir de cette observation, proposer des conjectures ou explications plausibles et enfin, tester ces explications. L’observation est le cœur de la science et s’est développée concomitamment avec elle. Comme le précise la citation ci-dessus reprise dans l’ouvrage dirigée par Lorraine Daston, l’observation définit l’objet.

Comme le rappelle Harro Maas, à la fin du 19ème siècle, l’observation a commencé progressivement à être associé à une donnée numérique : observer signifiait associer à un concept une mesure. D’où la montée en puissance de la statistique et de l’économétrie. La volonté de rendre l’observation “neutre” en séparant l’observation des biais qu’on attribuait à l’observateur comme ses croyances ou valeurs qui pouvaient fausser l’observation a mis de coté des activités comme la lecture, la prise de notes, l’archivage, la classification, la visualisation,..etc qui sont aussi d’autres formes d’observation.

C’est la raison pour laquelle l’économie de la défense, à l’heure actuelle, se résume à la présentation de chiffres. L’observation scientifique  dans ce cadre là se résume à :

- définir des notions ou concepts,

- les mesurer en reportant tout simplement les chiffres qui correspondent à la définition,

- éventuellement les catégoriser pour en donner sens, notamment pour l’analyse.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire les notes ou sections méthodologiques des rapports, si souvent évacués ou négligés à la lecture.

2. Expliquer.

Expliquer signifie déterminer les causes d’un phénomène : comment et pourquoi un phénomène se produit. Il y a plusieurs façons d’expliquer (A Beginner’s Guide to Scientific Method, 4e edition, STEPHEN S. CAREY,Cengage Learning, 2011) :

- par la causalité : qu’est ce qui cause le phénomène, quels sont les évènements qui entrainent son apparition. On peut établir comme le font certains chercheurs un lien de causalité entre le développement et les dépenses allouées à la défense, dans la mesure où le développement d’un pays permet de dégager de bonnes marges budgétaires, marges qui peuvent être alloués à la défense du pays.

- par le mécanisme : ici, il s’agit de présenter les facteurs qui expliquent les effets d’une cause. Tout programme d’armement débute par une phase de conceptualisation, après il y a la définition des caractéristiques que doit fournir le matériel, ensuite sa réalisation. On peut expliquer une augmentation des dépenses militaires par la défaillance dans l’une des phases.

- par la loi : ici, on invoque une loi générale ou un principe pour expliquer un phénomène. Ici, on peut prendre exemple en invoquant le principe de défense de souveraineté d’une nation pour expliquer le maintien des dépenses militaires malgré la pauvreté qui peut sévir dans un pays.

- par la procédure : ici, on explique quelque chose en relevant l’effet de ses différentes parties. A l’exemple, on peut expliquer le retard dans la livraison d’un matériel militaire affecté à un programme par les atermoiements observés lors de la validation budgétaire des fonds alloués à ce programme, par le législateur.

- par la fonction : ici, on explique en faisant référence au rôle joué par le phénomène dans un grand ensemble. Ici, on peut expliquer le maintien d’un programme d’armement budgétivore par la fonction qu’il accorde à l’appareil de défense.

Pour la littérature collectée, je dois dire que l’économie de la défense actuellement se limite :

- à l’observation, à une succession de présentation de chiffres,

- à l’explication, à la recherche de liens de causalité tous azimuts, avec un recours excessif à l’économétrie.

Pour ceux qui en douteraient, il faudrait se reporter au livre de Keith Hartley et Todd Sandler, Handbook of Defense Economics, dans ses volumes 1 et 2, qui fait office de référence dans le domaine.

C’est pour dépasser ces limites que ce blog a été mis en place et je m’attèlerais à le faire tout au long des billets publiés, non sans rendre compte de la littérature actuelle.

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